Approche génomique


Introduction à l'évolution moléculaire

Aujourd’hui l’évolution moléculaire est utilisée non seulement par les spécialistes de la phylogénie mais aussi par de nombreux biologistes désirant mieux analyser leurs séquences, comprendre l’évolution de leur fonction, analyser l’histoire des duplications etc….

Pour cela il faut entre autre connaître :

les différents modèles évolutifs qui ont été proposés
les différentes méthodes de reconstruction d’arbres qui ont été développées
apprendre à analyser les arbres obtenus

La reconstruction phylogénétique :

Le pourcentage de similarité entre deux séquences est considéré comme reflétant la distance évolutive existant entre ces deux séquences. Les différences observées sont dues à l’accumulation de mutations au cours du temps. Les mutations prises en compte sont les substitutions et les insertions/délétions (indels). Donc à partir d'un alignement multiple et donc de la comparaison des états de caractères (un caractére étant ici une position alignée), il va falloir reconstruire l'arbre et interpréter les ressemblances.

Deux écoles :

- Les phénéticiens adeptes de la « taxonomie numérique ». Les liens entre les taxons ne peuvent être fondés que sur la base d’une similitude globale exprimée à partir de matrices de calcul de distances. Dans le cas des séquences, à partir d’un alignement multiple, on calculera les distances entre les séquences prises deux à deux en prenant en compte toutes les positions alignées sans indels.

L’analyse phénétique se fonde sur l’analyse du plus grand nombre de caractères.

- Les cladistes préfèrent élaborer des phylogénies à partir d’un ensemble préalablement choisi de caractères car lorsque l'on observe une similitude elle peut soit être réellement une homologie, similitude héritée d'un ancêtre commun, ou bien une homoplasie similitude non héritée d'un ancêtre commun, ce qui inclut la convergence - apparition indépendante dans deux espèces du même état de caractère (par exemple même substitution) - et la réversion - apparition d'un état de caractère ayant la forme ancestrale.

Problème : Trouver l'arbre vrai 

Il y a un seul arbre vrai , l'arbre évolutif, mais comment le trouver parmi tous les scenaris et donc parmi tous les arbres possibles. En effet, pour 10 séquences on a 2 027 024 arbres non enracinés possibles et un seul vrai que l'on considère comme le plus parcimonieux. Quand le nombre de séquences devient supérieur à 10, on ne peut pas explorer tous les arbres possibles pour en déduire l'arbre vrai. On fait donc appel à des heuristiques.

Quatre familles principales de méthodes :

  Parcimonie : à partir d’un ensemble de caractères choisis.
  Méthodes de distance : à partir de distances établies sur un ensemble de caractères.
  Méthodes du maximum de vraisemblance : à partir des probabilités de l’apparition des transformation d’un état de caractères en un autre.
Approche bayésienne

Pour les méthodes de distance et de maximum de vraisemblance, il va falloir choisir le modèle évolutif.

Calcul des distances entre deux séquences d'acides nucléiques (à partir des séquences alignées par alignement multiple)

La distance d séparant deux séquences est définie comme le nombre moyen de substitution par site qui s’est produit depuis que ces deux séquences ont divergé de leur ancêtre commun. La distance la plus simple est la distance observée appelée p-distance. On compte le nombre s de substitutions observées entre deux séquences alignées que l’on rapporte au nombre de sites homologues n alignés, donc p =s/n.

exemple :

matrice de distances entre séquences alignées facile à calculer mais quand les séquences ne sont pas proches (issues d’organismes distants dans l’évolution), elle sous-estime les distances évolutives.

Cause : l’existence de substitutions multiples. Phénomène plus critique pour les séquences d’acides nucléiques car possèdent un alphabet plus pauvre que les séquences protéiques : quatre lettres au lieu de 20.

Exemples de substitutions multiples conduisant à une sous-estimation des distances :

substitutions multiples

Séquence1   GAAAAG

Séquence2   ATGAAG


Pour tenter de corriger le biais du aux mutations multiples, des hypothèses sont faites sur la façon dont les bases se sont substituées à un locus donné -> construction d'un modèle évolutif. Il existe plusieurs modèle pour rendre compte de l'évolution des séquences.
Le plus simple, le modèle de Jukes et Cantor mais vision simplificatrice de l'évolution des séquences : i)
tous les sites évoluent indépendamment et selon le même processus et ii) toutes les substitutions sont équiprobables. La distance de Jukes et Cantor est donnée par la formule suivante ou p est la p-distance.

distance Jukes et Cantor

Autre distance : distance de Kimura à 2 paramètres, vision un peu moins simplificatrice : i) tous les sites évoluent indépendamment et selon le même processus et ii) les substitutions se produisent suivant deux taux distincts, l’un pour les transitions, l’autre pour les transversions, les transitions étant plus fréquentes (transition = A<->G ou T<->C). La distance de Kimura deux paramètres est donnée par la formule suivante où p et q sont respectivement les fréquences observées des transitions et des tranversions.

distance K2P

Pour les autres distances voir Perrière et Brochier-Armanet (2010) Concepts et méthodes en phylogénie moléculaire.


Calcul des distances entre deux séquences protéiques (à partir des séquences alignées par alignement multiple)

Séquences protéiques fréquemment utilisées en phylogénie moléculaire car plus appropriées quand les analyses comportent des séquences issues de lignées séparées par de grandes distances évolutives ou quand les séquences évoluent rapidement (au niveau ADN perte du signal phylogénétique car les sites sont dits saturés, i.e., ont subi de nombreuses substitutions multiples). Egalement plusieurs modèles pour estimer la distance entre deux séquences protéiques.
Le modèle de Poisson :
P     Première estimation meilleure que la p-distance repose sur le concept de distribution de Poisson. Hypothèses :i) tous les sites évoluent indépendamment et suivant un même processus et ii) toutes les substitutions sont équiprobables, iii) le taux de réversion est négligeable.
La correction de poisson est donnée par d = -Log (1-p) avec p valeur de la p-distance
Cependant vision simplificatrice de l'évolution car on sait que :

taux de substitutions plus ou moins élevé en fonction de l’importance fonctionnelle du site

- présence aussi de substitution parallèle et de réversion donc on va sous-estimer la distance entre deux séquences

ne peut être utilisée que si séquences globalement peu divergentes

Donc d'autres modèles ont été développés qui ne seront pas détaillés :

-  Le modèle PAM

-  Le modèle JTT

Le modèle WAG

 - Le modèle LG


Les modèles
les plus performants sont ceux bâtis sur le plus grand nombre de données (car estimation des taux de substitutions pour tous les modèles). Les modèles WAG et LG sont supérieurs aux modèles PAM et JTT. Cependant,  si les distances évolutives sont faibles, on peut utiliser le modèle de Poisson ou de Kimura car aussi bons résultats.  Donc si même résultat avec deux modèles, utiliser le plus simple car plus rapide.

Choix d'un modèle évolutif
Des méthodes permettant de tester l’adéquation du modèle aux données existent mais souvent le choix du modèle est du fait de l’utilisateur et de ses connaissances.
Quelques règles simples :

construction d’une phylogénie à partir de gènes protéiques :
séquences très distantes dans l’évolution : utilisation des séquences protéiques.
séquences proches dans l’évolution : utilisation des séquences acides  nucléiques voir travailler uniquement sur les positions synonymes.

Utilisation de séquences nucléiques : grand nombre de modèles
critère important : le degré de divergence entre les séquences.
pas toujours pertinent d’utiliser les modèles avec beaucoup de paramètres :
- si les séquences sont courtes ou trop similaires les estimations des paramètres sont mauvaises.
- modèle arrivant à saturation plus rapidement donc si séquences très divergentes, fréquemment impossible de calculer les distances.
donc si même résultat avec deux modèles, utiliser le plus simple car la variance de la distance augmente avec le nombre de paramètres.
application de la correction Gamma que si nombre de sites utilisés  important car nécessite d’estimer un paramètre supplémentaire (la forme de la distribution).

Choix d'une méthode de reconstruction phylogénétique :

Méthode de parcimonie : cherche à minimiser le nombre de changements. Plus adéquate pour des données de présence/absence. Pas conseillée pour la reconstruction phylogénétique à partir des séquences.

Méthode de distance : la Neighbor Joining (NJ) :
elle constitue une approximation du minimum d’évolution (critère d’optimisation). Le principe général du minimum d’évolution est le suivant : Examine toutes les topologies, calcule la somme de la longueur des branches de chacune d’entre-elles et retient celle qui minimise la somme des longueur des branches (arbre de longueur minimum). Des variantes avec pondérations ont également été développées comme la BioNJ (Gascuel, 1997). La BioNJ  apporte de améliorations évidentes surtout quand les séquences sont fortement divergentes et/ou quand elles présentent des vitesses d’évolution différentes.

Conclusion :

Méthode du maximum de vraisemblance : deux méthodes PhyML et Tree-Puzzle :

On a un grand nombre de scénarios évolutifs possibles. Cependant certains d’entre eux sont plus susceptibles que d’autres de produire les séquences actuelles. 

Le but des méthodes de maximum de vraisemblance est d’identifier ces scénarios, c’est-à-dire de trouver les valeurs des paramètres qui maximisent la probabilité d’observer les séquences actuelles.

Conclusions
C’est la méthode la mieux justifiée au plan théorique.
Des expériences de simulation de séquences ont montré que cette méthode est supérieure aux autres dans la plupart des cas.
Mais c’est une méthode très lourde en calculs. 
Il est presque toujours impossible d’évaluer tous les arbres possibles car ils sont trop nombreux.  Une exploration partielle de l’ensemble des arbres est réalisée en utilisant des méthodes de réarrangements locales ou globales.

Evaluation de la fiabilité de la topologie obtenue : le bootstrap

La forme de l'arbre est déterminée par la liste de ces branches internes. Evaluer la fiabilité de l'arbre = évaluer celle de chacune de ces branches internes.

Ceci est réalisé par la procédure du bootstrap.
On part de notre alignement multiple et on reconstruit un alignement de même longueur par tirage aléatoire avec remise des positions de l'alignements.

Alignement de départ : chaque position alignée = une couleur (n positions)

alignement multiple

On effectue un tirage avec remise de n positions parmi n positions. On obtient un nouvel alignement de même longueur où certaines positions peuvent être présentes plusieurs fois (bleu clair par exemple) ou absente (noire par exemple).
Nouvel alignement :
ali2

En utilisant ce nouvel alignement on reconstruit un arbre.
On réitère : tirage avec remise pour obtenir l'alignement multiple et construction de l'arbre un grand nombre de fois (500 à 1000).

Pour chaque arbre reconstruit on compte le nombre de fois que l’on observe la branche interne. Le soutien de la branche est exprimé en pourcentage de réplications. Si la branche est observée dans tous les arbres, la valeur du bootstrap est égale à 100.

exemple :


arbre avec bootstrap



Interprétation des valeurs de bootstrap :
Problème très discuté!
De manière générale, une faible valeur de bootstrap indique que la quantité d’information supportant la bipartition induite par une branche interne est faible.

Quel seuil ?

Si on applique les critères standards utilisés en statistique, il ne faudrait considérer comme valide que les branches ayant un support de bootstrap ≥ 95% (sinon la branche n’existe pas). Des travaux ont montré que ce seuil était trop élevé, notamment ceux de Hillis et Bull (1993,  Syst. Biol., 42, 182-92) qui à l’aide de simulations ont montré que des supports de 70% pouvaient correspondre à des groupements significatifs.

Cependant résultat pas généralisable à toutes les analyses.